Chef de file du mouvement abolitionniste, William Lloyd Garrison proposa, dès 1831, dans son journal The Liberator, une abolition complète et immédiate de l’esclavage. Journaliste et réformateur social, il prêcha toute sa vie la doctrine reposant sur le principe que tous les hommes sont égaux devant Dieu.
Journaliste autodidacte né à Newburyport (Massachusetts), Garrison rejoint en 1829 l’équipe rédactionnelle du tout premier journal anti-esclavagiste « The Genius of Universal Emancipation » créé en 1821 par un quaker du nom de Benjamin Lundy. (Ce dernier, éditeur né à Sussex County, New Jersey, avait créé dès 1815 « The Union Human Society »; lors de ses voyages, il repérait des abris sûrs pour les fugitifs.
Source : www.spartacus.schoolnet.co.uk/USASlundy).
Le 1er janvier 1831, Garrison publie le premier numéro du journal qu’il vient de fonder à Boston : « The Liberator », dans lequel il réclame la liberté des Noirs. Osant entreprendre seul la croisade contre l’esclavage, il annonce ses couleurs dès la première édition, : Je ne veux pas penser, ou parler, ou écrire avec modération…. je suis sérieux, je repousserai le compromis, je ne ferai pas d’excuses, je ne reculerai pas d’un seul pouce et je me ferai entendre. Cette ligne radicale qu’il maintiendra envers et contre tous lui vaudra d’être emprisonné plusieurs fois et de subir l’opprobre de ses concitoyens1 pendant presque deux décennies avant que les temps ne changent. En 1854, en effet, le Parti républicain inscrit l’abolition à son programme.
Sous l’impulsion de Garrison et de quatre autres hommes (Samuel E. Sewall, Ellis Gray Loring, Olivier Johnson, David Lee) est créée à Philadelphie le 4 décembre 1833 la première grande organisation pour l’abolition de l’esclavage aux USA : « l’American Anti-Slavery Society International », présidée par Arthur Tapan (riche marchand qui, avec son frère Lewis, consacra sa fortune à des œuvres humanitaires, finançant également le lancement du journal The Liberator). Les frères Tapan fondèrent une association anti-esclavagiste en Nouvelle-Angleterre et à New York, qui, par la suite, fusionna avec l’ « American Anti-Slavery Society ». Cette organisation comptera près de 250 000 membres en 1838, avec la particularité d’être composée aussi bien de femmes que d’hommes, de Noirs que de Blancs, jouant tous un rôle actif. Garrison prendra à son tour les rênes de l’organisation antiesclavagiste de 1843 à 1865, dénonçant avec véhémence et détermination toute l’immoralité du commerce d’esclaves et défendant l’égalité des droits pour les Noirs. En 1855, avec l’aide de quelques amis, il arrive à convaincre l’Etat du Massachusetts d’ouvrir les écoles publiques aux jeunes noirs, qui aspirent à l’éducation. Quelques mois auparavant, à la suite de la tentative manquée de libérer son ami Anthony Burns renvoyé en servitude, Garrison réagit avec fracas : il brûla à Framingham (Massachusetts) devant 3000 personnes venues l’acclamer une copie de la constitution américaine en proclamant « qu’elle était un pacte avec la mort et un accord avec l’enfer ». Propriété» du virginien Charles Suttle, Burns s’était enfui à Boston; mais, en vertu du Fugitive Slave Act : nom donné à 2 textes de loi du Congrès (1793 et 1850) statuant sur les modalités de capture des esclaves évadés et de leur retour à leur propriétaire, il avait été repris.
La guerre de sécession terminée et le 13e amendement abolissant l’esclavage adopté par le congrès américain en décembre 1865, quatre millions d’Afro-américains recouvrent leur liberté et William Lloyd Garrison déclare : « Ma vocation à être abolitionniste est terminée. Je suis heureux de voir que la plupart de mes concitoyens sont maintenant chaleureusement disposés à admettre que je n’ai jamais agi comme un fou, un fanatique ou comme un traître ».
Quelques mois plus tard, après plus de trois décennies passées à exprimer et à défendre ses convictions, William Lloyd Garrison met fin à la publication de son journal « The Liberator ». Ce grand militant n’en continuera pas moins son combat pour la justice et l’équité, notamment pour le respect de l’égalité de tous les citoyens et la reconnaissance des droits civiques des femmes.
Note sur les Quakers
Parmi les Occidentaux, les quakers, membres d’une secte religieuse protestante fondée en 1681 en Pennsylvanie, furent les premiers, à la fin du XVIIe siècle, à plaider la cause de l’émancipation des esclaves dans les colonies anglaises d’Amérique du Nord, motivés par leurs valeurs morales et religieuses. En 1688, cette communauté s’éleva contre le fait « d’acheter et de garder des Nègres ». En 1774-1775, les quakers décidèrent d’exclure de leurs rangs ceux qui pratiquaient le trafic négrier et possédaient des esclaves.
Sources :
- L’histoire. No 280. Oct. 2003
- Histoire de la race noire aux Etats-Unis. F. L. Schoell
—–
1 Le comité de Vigilance offrit 1500$ pour l’arrestation de toute personne qui distribuerait The Liberator. La Chambre des représentants de l’Etat de Géorgie proposa 5000 $ pour la capture de W. L. Garrison afin de le traduire devant un tribunal. En 1835, un article dans lequel le journaliste déclare que les descendants de Cham et ceux de Japhet étaient frères et pouvaient prétendre aux mêmes droits déclenche la colère de la foule qui le traîne, la corde au cou, dans les rues de Boston. Le maire de la ville, Théodore Lyman, le sauve du lynchage en l’enfermant dans une cellule sur les murs de laquelle Garrison écrit : « William Lloyd Garrison a été mis dans cette cellule mercredi après-midi le 21 octobre 1835 pour être protégé d’une foule qui a cherché à le détruire parce qu’il prêchait une doctrine reposant sur le principe que tous les hommes sont égaux devant Dieu ».