Éminent homme d’affaires, le Hutu Paul Rusesabagina a consacré sa carrière professionnelle au groupe des Hôtels Sabena de 1979 à 1996. Promu directeur général de l’Hôtel Diplomate à Kigali en 1993, il n’en continue pas moins de gérer l’Hôtel des Mille Collines, dont il a la charge depuis 1984. C’est dans ce prestigieux établissement que se joue son destin. En 1994, l’Hôtel des Mille Collines est un des rares endroits où les Tutsis –mais aussi quelques Hutus modérés-, traqués à mort par des extrémistes hutus en mal de victimes, peuvent encore se réfugier. Environ 1200 personnes sont ainsi prises en charge par P. Rusesabagina. Pendant deux mois, au péril de sa vie, cet artisan du non-racisme maintint à distance la milice qui contrôlait l’entrée de l’établissement, en soudoyant des hauts gradés militaires avec des bouteilles d’alcool ou en suppliant des politiciens à l’étranger par l’entremise d’une ligne téléphonique restée fonctionnelle. Dans des conditions difficiles, rationnant nourriture et eau, il protégea contre vents et marées des hommes et des femmes dont le seul crime était d’appartenir à une ethnie différente.
Un journaliste hutu de Kigali, Thomas Kamilindi, rescapé du génocide grâce à la protection de Paul Rusesabagina, témoigne du comportement exemplaire de cet homme : « Franchement, je ne peux pas expliquer le courage dont il a fait preuve. Pendant la guerre, on a vu des gens faire preuve de lâcheté, d’autres de courage. Pourquoi Paul ne nous a-t-il pas expulsés ? Il pouvait le faire, nous ne payions rien. Il pouvait refuser que l’Hôtel soit transformé en refuge; mais il ne l’a pas fait. Probablement que c’est sa nature ».
« Hôtel Rwanda », du réalisateur irlandais Terry George, avec, en vedette, Don Cheadle dans le rôle de Paul Rusesabagina, retrace l’acte de foi de ce juste, qui n’avait pour repère que son intime conviction. Présents à l’avant-première du film, Paul Rusesabagina et Tatiana, son épouse, ont longuement été ovationnés par l’assistance, émue, du Elgin Theater, lors du Festival International de Toronto du 11 septembre 2004. « Hôtel Rwanda » y a remporté le seul prix décerné à cette occasion : le prix du public. Le film, sélectionné dans les nombreux évènements cinématographiques qui ont suivi, a connu un retentissant succès.
Paul Rusesabagina vit en Belgique avec sa famille depuis 1996. Humble et discret, il ne comprend pas vraiment la médiatisation faite autour de sa personne, ni les honneurs qui lui sont décernés. Dans sa grande sagesse, il déclare : Je n’ai fait que ce que tout le monde aurait dû faire.
Aujourd’hui, personnalité écoutée, M. Rusesabagina parcourt le monde pour continuer à défendre les opprimés. S’intéressant notamment au conflit civil dans la région du Soudan, il n’hésite pas à interpeller la communauté internationale, afin qu’elle ne se réveille pas un beau matin devant un nouvel hôtel, celui-ci dénommé : « Hôtel Darfour ».
Sources :
- J. Pecqueur, Gala Noir et Blanc Au-delà du racisme. Entrevues du 11 septembre 2004 et du 29 avril 2005 avec P. Rusesabagina.
- M. Thibodeau, envoyé spécial, journal La Presse du 2 avril 2004, p. 10.