Au service, pendant presque dix ans, de François Poulin de Francheville, propriétaire des Forges de Saint-Maurice, puis de sa veuve Thérèse de Couagne, l’esclave Marie-Josèphe-Angélique est originaire de Lisbonne (Portugal). Baptisée à Notre-Dame-de-Montréal le 28 juin 1730, elle fréquente Jacques César, esclave d’Ignace Gamelin, vraisemblablement le père de ses trois enfants, qui mourront en bas âge. Souvent battue par son maître, Marie-Josèphe ne manque cependant pas d’aplomb et de ténacité, caressant sans cesse des projets de liberté avec son amoureux Claude Thibault, un faux saulnier1, dont la condamnation à mort a été commuée en exil au Canada par le roi. Tout s’écroule un certain 10 avril 1734 quand, en moins de trois heures, un incendie ravage la rue Saint-Paul, anéantissant l’Hôtel-Dieu et réduisant en cendres 45 maisons. La frustration est immense, d’autant plus que la population de Montréal avait déjà vécu un incendie majeur en 1721. Arrêtée sur de simples ouï-dire, accusée sur la seule déclaration –six semaines après les faits- d’une fillette de 5 ans et demi, nièce de la veuve de Francheville, Amable Lemoine Monière : « … la négresse a pris du feu sur une pelle et monta au grenier », l’esclave avoue son crime sous la torture. Condamnée à être pendue, puis brûlée, ses cendres dispersées au vent, selon la coutume de l’époque, Marie-Josèphe, dont la valeur marchande était estimée à 600 livres de poudre à canon, sera exécutée le 21 juin 1734 au milieu de la rue Saint-Paul, non loin de l’intersection des rues Saint-Paul/Saint-Denis, où la potence avait été dressée.
Le souvenir de la suppliciée resurgira en mai 1742, lorsque les religieuses profiteront des fêtes du premier centenaire de la fondation de la ville pour baptiser la cloche flambant neuve de leur église, devinez donc ? « Marie-Josèphe » !
Claude Thibault, dont le surnom de Butenne rappelle le hameau du même nom, quelque part entre l’Alsace et la Franche-Comté, débarque à Québec en septembre 1732. Il vit de petits métiers et rencontre Marie-Josèphe-Angélique lorsqu’il est embauché par Thérèse de Couagne. Il tentera, avec elle, une première évasion en février 1734 vers la Nouvelle-Angleterre. Repris, il est emprisonné le 5 mars (Marie-Josèphe est ramenée de force chez sa propriétaire). Libéré deux jours avant le drame, il est soupçonné de complicité dans l’incendie et activement recherché. Il ne sera cependant jamais retrouvé, sa dernière apparition remontant au 12 avril 1734 sur la route de Québec. Manquant de preuves, et faute d’avoir entendu Marie-Josèphe accuser Claude Thibault, même sous les pires souffrances, les autorités judiciaires classeront le dossier fin 1735.
Source :
- Denyse Beaugrand-Champagne. Le procès de Marie-Josephe-Angélique. Ed. Libre Expression.
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1 Vendeur de sel de contrebande. Au royaume de France, ce crime était passible de mort.